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LES REVEURS - AGITATEUR DE RENCONTRES Frédéric JAUDON - Plasticien, maître en effets spéciaux, inventeur, cet optimiste invétéré veut faire de la fraternité un mode de vie. A chaque printemps, il change de vie « c'est pas planifié, pas systématique, mais c'est comme ça. Les forces me reviennent, et je repars sur un nouveau projet ». Honteuses gamineries, instabilité maladive, concluront les apologues des vies rangées. Certes. Mais à quarante huit ans, Frédéric Jaudon n'est près de renoncer à ce cheminement « quasi compulsif » qui lui permet de traverser la vie comme « en état de rêve », avec une énergie diabolique. « Je me ballade sur la ligne de crête entre réalité et poésie. C'est ce qui me donne ma force ». Et à voir sa mine épanouie, ses « dent du bonheur », et son enthousiasme hautement inflammable devant les surprises du quotidien, difficile de lui donner tort. Né au Maroc, débarqué à Grenoble à cinq ans, il quitte l'école après la troisième, vit en communauté d'artistes à Nice, tâte du voyage en Afghanistan, s'improvise scénariste et régisseur de théâtre. Ramène de Belgique en Avignon une péniche chargée de charbon, histoire de rentabiliser le voyage. Vit à bord quelques années, avant de partir pour la Guyane sur les trace de ses ancêtre noirs. Refuse la vie d'orpailleur qui s'offre à lui. Choisit de revenir en France pour découvrir Paris, ville qu'il n'a plus quittée, où un fils de douze ans le fixe pour l'instant. Aujourd'hui, à ses heures perdues, il concocte des objets hyperréalistes et des effets spéciaux pour la pub. Juste pour vivre et accessoirement remplir son atelier de plaque de chocolat en plastique, de paire de pieds inodores, de fausse noix de coco et autre imitations plus vraies que nature. Le reste du temps, il se balade de projets en projets, au gré de son plaisir et de son imagination. Avec pour fil directeur, l'envie de « relier les autres », d'utiliser ses « facilités de communication » pour provoquer des rencontres dans une société trop cloisonnée et égocentrique à son goût. « A mon arrivée à Paris, j'ai aménagé un bar chez moi : les gens passaient quand ils voulaient pour boire un coup, gratuitement évidemment. C'était sensationnel ». Aujourd'hui installé dans le 12° arrondissement, il garde ouverte la porte de son appartement envahi de plantes, objets glanés dans la ville ou la forêt, et de meubles bricolés. Pour lui, pas de bonheur autre que partagé. La seul raison de vivre valable à ses yeux est l' « empathie », le goût des autres, quels qu'ils soient : « ça me désole de voir les gens enfermés dans des milieux, dans des groupes, coincés dans des style vestimentaires. Je suis un électron libre. Je n'hésite pas à avoir des contacts tous azimuts. Même avec des personnes aux idées opposées aux miennes, même avec les fachos. J'essaie de comprendre comment ils pensent ». Iconoclaste, hors normes, déviant, Frédéric Jaudon n'est pas nihiliste pour autant : « J'ai toujours préféré construire plutôt que casser ». Inventer, par exemple, un vélo bizarre (le « Bi »), pour zigzaguer droit et digne entre les voitures, et remporter le Grand Prix du Concours Lépine 2000. Réaliser bientôt son rêve : une « guinguette de rencontres », où chacun pourrait discuter, jardiner, et pourquoi pas fabriquer des vélos. Un lieu qu'il voudrait ouvert à tous, non subventionné, financé par la commercialisation des « Bi », et autogéré, forcément. L'association, déjà créée, est baptisée La Ruchée. Ses statuts prônent, tout simplement, « la recherche et le développement de la fraternité ». Fanny Doumayrou |